Les assouplissements de
Benoit Hamon : un vaste écran de fumée…
La réforme des rythmes scolaire fait décidément beaucoup
parler d’elle depuis deux ans et ce n’est sans doute pas sans raison, comme on
dit : « il n’y a pas de fumée sans feu… ».
Le premier Ministre Mr Valls nouvellement nommé avait rapidement
annoncé la venue prochaine d’assouplissements concernant cette réforme.
Deux nouvelles possibilités.
Il aura fallu moins d’un mois au ministre de l’Education
fraichement en poste Mr Benoit Hamon pour préciser ces
« assouplissements » dans le cadre d’un projet de décret modifiant le
précédent et d’une circulaire ministérielle.
Tout en précisant qu’il conserve « le socle » de
la réforme, à savoir 5 matinées de cours, et qu’il refuse tout report, toutes
les communes devant l’appliquer en septembre 2014, il nous présente ce matin,
vendredi 25 avril 2014, les points essentiels de ces évolutions :
1.
Possibilité pour les maires de concentrer les
Temps d’Activités Périscolaires (TAP) sur une même demi-journée
2.
Possibilité de diminuer la semaine d’une heure
de temps scolaire, passant ainsi à 23h hebdomadaires, tout en récupérant ces
heures sur les vacances scolaires. Bien sur tout cela en accord entre les
communes, le rectorat et tous les acteurs.
Certes, le fait de recentrer les activités sur une
demi-journée permettra de faciliter les partenariats avec les associations ou
d’autres communes, facilitant ainsi le recrutement d’animateur et
l’organisation qui en découle. Ainsi une certaine « économie
d’échelle » sera faite, alors que l’Association des Maires de France (AMF)
réclamait principalement que l’aide de l’Etat soit perpétuée au delà de 2014…
Mais ces modifications ne changent pas le fond du problème…
bien au contraire…
Une école à plusieurs vitesses.
Ces modifications ne feront que renforcer les inégalités entre communes, favorisant une école
territoriale et non nationale. Et même si en principe chaque commune peut
revoir sa copie pour réfléchir à ces possibilités, le délai imparti pour le
faire reste très court d’ici septembre, et même d’ici juillet car il faudrait que
les projets soient bouclés avant les vacances estivales.
Par ailleurs cela arrive tardivement : les communes qui
ont travaillé depuis des mois pour tenter de fournir des projets « acceptables »
vont-elles vouloir remettre ce dossier sur la table ?
L’intérêt des enfants oublié.
Mr Peillon lui-même désavouait cet assouplissement, car il
permet d’allonger encore le week-end dans le cas où une commune choisit de
recentrer toutes les activités le vendredi après-midi. Cela parait très
attractif pour les parents, mais c’est une toute autre chose pour le bien-être
des enfants.
Car le seul point où tous les spécialistes sont d’accord, c’est
pour dire que le problème de la semaine de 4 jours est induit par son weekend
trop long. Avec cette modification cela pourrait être pire !!!
Un comble
quand on dit s’inquiéter de la réussite des enfants ! Car Mr Peillon ne
changeait rien au problème mais là Mr Hamon l’aggrave !
Notons cependant que mettre une matinée d'école supplémentaire le samedi matin ne semble pas non plus une solution, car cela ne tiendrait absolument pas compte de l'évolution de la société (parents séparés, etc...)
Par ailleurs la chronobiologiste Sylvie Royant-Parola, nous
rappelle par le biais de La Croix que « les temps consacrés aux
activités périscolaires sont bien plus efficaces s’ils sont répartis sur
plusieurs jours de la semaine. À cette fréquence, notre métabolisme, sachant
qu’il aura une pause, fonctionne au maximum de ses capacités pendant les heures
de cours. » Il n’y a donc pas
un grand intérêt éducatif à tout regrouper sur un après-midi.
Un assouplissement qui n’a rien de
nouveau.
Avec ces modifications, Mr Hamon ne fait que répondre à
quelques localités où des expérimentations de qualité fonctionnaient depuis
plus de 20 ans, en concertation avec tous les acteurs de terrain, et qui ne
pouvaient pas rentrer dans le cadre du décret de Mr Peillon. Malgré de grandes
annonces, il n’y a pas de vraie innovation dans cet assouplissement.
Une réforme qui reste inefficace.
Mr Hamon entend grâce à cette réforme permettre aux enfants
de mieux apprendre à lire, écrire, compter et parler correctement. Or l’étude
menée par le SNUipp en février 2014 nous informe : dans les communes où la
réforme est en place, des volontaires, 88% des enseignants estiment qu’il n’y a
pas d’amélioration sur les résultats scolaires !
On nous martèle qu’il faut concentrer les apprentissages
fondamentaux aux moments où les enfants
sont les plus attentifs, et que pour cela il est mieux d’avoir 5 matinées de
travail, alors que la réalité est toute autre !!!
Les études nous indiquent en effet que sur une
journée :
·
il y a bien un pic d’attention en fin de
matinée, et souvent on n’en profite pas pleinement parce qu’il faut stopper les
cours pour aller manger.
·
Il y a un pic d’attention en fin d’après-midi,
supérieur à celui du matin, qui n’était pas beaucoup exploité auparavant et qui
ne l’est souvent plus du tout avec cette réforme.
Aussi il ne faut pas oublier que les enseignants, principaux
acteurs de terrain, sont les plus à même de connaitre leurs élèves et de savoir
quand ils sont le plus attentif dans une journée afin d’adapter leur pédagogie
et le contenu des cours. Ainsi des efforts sur leur formation seraient bien
plus efficaces et pertinents que cette réforme inadaptée. Il en va de même pour
le contenu des programmes, le nombre de postes, de RASED, etc…
Claire Leconte,
chronobiologiste, ajoute en ce
sens : «Plus personne ne s'intéresse au fait que les enseignants ne sont pas
impliqués. Le texte ne parle que de chiffres. On ne s'intéresse pas aux enfants. Ce que je demande, c'est qu'on
s'intéresse à l'enfant apprenant. Comment peut-on penser que le fait d'alléger
une journée d'une demi-heure ou deux heures va changer quelque chose? C'est au
sein de l'école elle-même et dans les pratiques des enseignants que les choses
doivent changer. La plupart des enfants continueront à avoir des journées qui
commencent à 7h30 et se terminent à 18h30.»
Plutôt que de financer cette réforme, il y a bien
d’autres priorités dont l’efficacité sur la réussite des élèves n’est plus à
démontrer !
Aussi quand Mr Hamon déclare dans Le Monde «
J'arrive à un
moment où il reste à convaincre que ces nouveaux rythmes scolaires visent à
mieux faire réussir les enfants. C'est l'une de mes tâches. »,
nous lui souhaitons bien du courage et lui rappelons qu’à l’impossible nul
n’est tenu…
De nombreuses questions restent en
suspens…
Comme le soulève Mr Raoult de la FCPE, il n’y a pas de
réponse quant à la gratuité des TAP,
qui malheureusement n’est pas d’actualité alors que seules les communes
volontaires et qui se sentaient capables de l’appliquer l’ont mise en
place ! Sans cette gratuité les inégalités sont creusées, l’école républicaine
remise en cause.
Malheureusement le coût de cette réforme associé à la baisse
de la Dotation Globale de Fonctionnement attribuée aux maires ne permettent pas
de garantir cette gratuité.
D’autant plus que l’aide accordée par l’Etat ne couvre pas les dépenses totales et
ne sera à priori pas reconduite au-delà
de 2014 comme le demande l’AMF. Le ministre n’a transmis aucune information
à ce sujet.
Sans oublier les questions d’insécurité liée à l’abaissement
du taux d’encadement, la concurrence accentuée avec l’école privée (non tenue d’appliquer
la réforme), la prise en charge des enfants en situation de handicap, etc…
Toutes ces questions lourdes restent sans réponses.
Une annonce qui laisse
un goût de bricolage et de trop peu.
Pour les Maires :
Pierre-Alain
Roiron, vice président de l'Association des maires de France (AMF), membre du Conseil national de l'Education
(CSE): "Ces annonces vont plutôt dans le bon sens […] mais qui demande
réflexion, les délais sont trop courts pour une mise en oeuvre à la
rentrée. […] En revanche,
nous attendons toujours une réponse du ministre à la question du financement des
activités périscolaires ».
Les principaux opposants politiques à la réforme sont également déçus. Les
maires UMP, par exemple, qui réclamaient la possibilité de pouvoir choisir
s'ils voulaient ou non passer à la semaines de 4,5 jours n'ont pas été entendus.
Pour les Enseignants :
Pour le
Snuipp, premier syndicat d'enseignant qui réclamait une réécriture complète du
décret initial, cette annonce laisse un
champ d’expérimentation très réduit et des questions en suspens !
"Nous
n'allons pas protester contre une mesure que nous avions demandée.
L'opportunité de libérer un après-midi par semaine est intéressante à plusieurs
titres (mais) le champ des possibles est bien maigre. C'est donc décevant", réagit le secrétaire
général du mouvement sur le site internet de L'Express.
En effet avec cet assouplissement, les enseignants se verraient échanger le
mercredi matin contre un après-midi qu’ils pourraient consacrer librement à
leurs travaux de préparation, de concertation ou d’animations pédagogiques.
Dans tous les cas, la semaine scolaire pourrait être organisée sur 8
demi-journées avec 5 matinées (mercredi ou samedi) et 3 après-midi. Paul
Raoult, président de la FCPE, parle ainsi d’un
« cadeau fait aux enseignants », sans donner la priorité aux
enfants.
Pour les parents d’élèves :
La FCPE s’inquiète de la
question de la gratuité et du bricolage du calendrier scolaire qui
pourrait diminuer les vacances de la Toussaint ou allonger le troisième
trimestre, deux erreurs à éviter selon eux. Par ailleurs, les TAP favorisant l’apprentissage du « vivre ensemble »,
il est mieux selon Mr Raoult d’étaler ces derniers sur la semaine.
Valérie Marty, présidente de la PEEP (Fédération des parents d'élèves de l'école
publique) s’estime à moitié satisfaite.
Pour elle regrouper les activités sur une demi journée est une bonne chose mais
« [elle ne voit] pas
l'intérêt de réduire le temps d'enseignement d'une heure par semaine. Et enfin que va t-il se passer pour les villes comme Epinal
ou Munster, qui ont mis en place de longue date des aménagements du temps
scolaire qui fonctionnent? »
Pour les Gilets Jaunes :
Cette annonce n’est là que pour faire plaisir aux
maires, mais cela ne changera rien sur
la fatigue des enfants et encore moins sur les inégalités entre les écoliers
français !
Il s’agit d’un
écran de fumée pour tenter de faire passer cette reforme !
Par idéologie partisane, le gouvernement refuse de
faire marche arrière tout en acceptant n’importe quoi…
Les gilets Jaunes n’acceptent pas ces nouvelles
mesures. Ils maintiennent leur position et demandent l’abrogation pure et
simple de ce décret sur les rythmes scolaires.
Le nouveau ministre doit reconnaitre les erreurs de Vincent Peillon rapidement, à
défaut de voir l’ensemble des acteurs: Parents, enseignants, élus, animateurs
et contribuables se soulever lors des prochaines manifestations prévues en mai.
NB : Le
projet de décret doit être soumis au Conseil supérieur de l’Education le 5 mai.
Une circulaire d’application devrait l’accompagner.
A VOIR :